Historique La construction de cet instrument très important (il est toujours le plus important de Belgique) a été confiée à la firme Delmotte par un comité de 5 organistes : Charles Hens, Joseph Jongen, Paul de Maleingrau, Alex Paepen et Flor Peeters.
Delmotte était en concurrence avec Dresse de Namur et Stevens de Duffel. Le premier fut rapidement écarté vu son manque d'expérience dans la construction de grands instruments électriques. Après discussions sur les tailles et les matériaux des tuyaux, le choix se porta finalement sur Delmotte en raison de sa traction électrique directe, appliquée par les Américains et déclarée plus performante que la traction électro-pneumatique préconisée par Stevens. Le devis de Delmotte s'élèvait à 1.100.000 francs belges et se situait entre les deux autres candidats, Stevens étant le moins cher avec 860.100 francs belges et Dresse avec 1.501.313 francs belges.
Totalisant 111 registres et 98 jeux réels, il est doté de quatre claviers de 61 notes et d’un pédalier de 32, ainsi que d’un nombre important d’auxiliaires : accouplements et tirasses normaux et à l’octave, grave et aiguë. Pour ces derniers, les dessus sont réels, et les sommiers comportent donc une octave supplémentaire à l’aigu, soit 73 notes aux sommiers pour 61 aux claviers.
Il comporte un nombre important de mixtures et mutations, dont trois séries d’harmoniques, sur le 32, le 16 et le 8, dont une va jusqu’à la 7e (au Récit)
Son clavier de Solo (on pourrait dire de Bombarde) contrairement à d'autres instruments qui comportent une impressionnante batterie de « tuba » (puissants jeux d’anches) chers aux Willis, Harrisson et autres grands facteurs anglais, et que Cavaillé-Coll lui-même a utilisés plus d’une fois, en salle (Sheffield et le Trocadéro), ne comporte que des jeux à anches douces, de type "Douçaine". La fonction de ce clavier est plutôt celle d'un Echo qu'un Solo puissant.
Le maniement de cet imposant ensemble est grandement facilité par la présence de nombreux appels et annulateurs, complétés, c’était révolutionnaire à l’époque, de huit « combinaisons » enregistrables par clavier, soit quarante, plus dix combinaisons générales.
La façade (on ne peut guère parler de buffet) imposante, elle aussi, avec ses deux tourelles de 32 pieds, ses éventails contrastés de tuyaux d'étain, de cuivre et de bois, occupant toute la largeur du studio. Sa grande qualité esthétique est encore soulignée par l'arrière-fond classique formé par les quatre colonnes de « jalousies » horizontales, boîtes expressives du Récit et du Positif.
C’est à juste titre, semble-t-il, que le Professeur Roland a baptisé ce genre de façade : « façade Diongre ».
Cet ensemble à proprement parler monumental fut inauguré le mardi 30 avril 1940, plus d'une semaine avant la deuxième Guerre mondiale, par un concert organisé conjointement par les Emissions flamandes et les Emissions françaises, avec le concours du Grand Orchestre Symphonique de l’INR, sous la direction de Désiré Defauw.
Au programme : le 3e Concerto brandebourgeois de Bach, puis le Concerto op.4 n°4 de Haendel, interprété par Flor Peeters, qui joue ensuite ses Variations et termine sur une vieille chanson flamande « Laet ons mit herten reyne » (celle-là même dont Pierre Froidebise fera un Noël varié). Après la pause, Joseph Jongen interprète sa Symphonie concertante, op.81.
On relève entre autres, en moins de deux mois de récitals du samedi : Charles De Liever jouant Reubke, Brahms, Reger et Rheinberger ; Joseph Jongen jouant César Frank ; Jean Collot présentant Bossi, Glazounov, Beck et Andriessen : Maurice Dejauve offrant Boëly, Alkan, Boëlmann et Saint-Saëns. Alex Paepen jouant Gigout, Dallier, Roussel, Barié ; Charles Hens du Florent Schmitt, Jacques Ibert, Tournemire, Ludovic Panel, Messiaen, Duruflé, Bonnet et Dupré ; Marcel Druart présentant Raymond Moulaert, Flor Peeters, Joseph Jongen et Paul de Maleingrau.
Un programme étalé sur cinq mois devait faire entendre pas moins de trente deux concerts donnés par des belges. On imagine bien, avec regret, que ce projet fut quelque peu perturbé par la guerre, mais Maurice Delmotte avait reçu un laissez-passer officiel et s'y est rendu quelques fois. Les concerts étaient pour la plupart retransmis à la radio en mono par l'INR / NIR. Nombres d'interprètes ont reçu les bandes d'enregistrement de la radio. Le grand orgue du studio 4 a également servi pour des concerts de musique légère avec des organistes comme Albert Espagne.
Malheureusement, cette activité n’allait guère durer. La mode vint d’instruments baroques. La console même, malgré (ou à cause de) ses possibilités, en rebutait plus d’un.
Les travaux entrepris en 1960 pour corriger l’acoustique du studio n’ont vraisemblablement rien arrangé. C’est dans ces années-là qu’un responsable a décrété qu’il faudrait des millions pour restaurer l’orgue. Et on ne fit donc rien. Il semble aussi que des petits problèmes de réglages de la transmission occasionnaient quelques cornements, ce qui est gênant pour les enregistrements en radio. Par ailleurs, le diapason de l'orchestre fut haussé ce qui obligeait le facteur d'orgues à faire un travail important sur le plan de l'accord, travail jamais réalisé. A l'époque des prises de son mono, les organistes devaient renoncer aux grands ensembles de jeux pour se contenter d'une quarantaine de jeux au maximum. Enfin, l'acoustique sèche du lieu en a peut-être déçu l'un ou l'autre qui préféraient les grandes églises.
Tous ces phénomènes ont contribué à l'abandon de cet instrument colossal, outre les questions stylistiques en forte évolution à cette époque.
Cependant, jusqu’à 1970 en tout cas, l’instrument était encore, au moins occasionnellement, accordé par la Firme Delmotte elle-même.
Louis Joos, dans les années 60, a assuré la partie d’orgue des Fontaines de Rome, de Respighi, avec le Grand Symphonique. Claude-Robert Roland, à lui seul, entre 1965 et 1970, a joué sur cet instrument (et enregistré) entre autres : le Final, de Franck ; le Prélude et Fugue op. 7 n° 3, de Dupré ; la Messe de la Pentecôte, de Messiaen ; des œuvres de Maurice Guillaume, de Robert Quatrefages et de Charles Tournemine ; ses propres 4 pièces pour Grand-Orgue ; et, enfin, cette version de la Sonatine de Pierre Froidebise, utilisé par Radio-Namur pendant plus d'un quart de siècle. Dans les années 70 encore, il a assuré, avec le grand Symphonique toujours, sous la direction de René Defossez, la partie d’orgue des Fêtes carillonnées, de René Barbier. Et l’orgue avait encore été accordé par la firme Delmotte pour l’occasion.
Par la suite, avec l’abandon de Flagey pour Reyers, on a pu craindre le pire.
Le rachat des bâtiments de l’ex-INR par la sa. La Maison de la Radio d’une part, le classement du Studio 4 et du Grand-Orgue d’autre part, permettent d’être pleinement rassuré. C’est un instrument qui revient de loin.
Actuellement soigneusement démonté par la firme Thomas de Francorchamps et répertorié, toute la tuyauterie a été désamiantée ; la façade Diongre a retrouvé sa place, de même que la console (à l’exception du pédalier).
TRAVAUX
Année début 1998
Particularités Remontage prévu à l'origine en 2002 avec l'inauguration du bâtiment restauré/rénové. L'orgue a été démonté et est stocké en grande partie à Francorchamps. Ce sont principalement les éléments visibles qui ont repris leur place dans le Studio 4.
Plusieurs organistes se sont prononcés à l'époque dont Bernard Foccroule.
En 2008, ces travaux n'ont toujours pas abouti, principalement pour des raisons financières, la société anonyme "La Maison de la radio Flagey" ayant d'autres priorités dans la maintenance du bâtiment.
Type de travaux Démontage pendant le désamiantage et restauration/rénovation de la salle. Reconstruction des éléments de façade.
Nom du facteur Thomas
Lieu de l'atelier Ster-Francorchamps
DOCUMENTATION
Type Archives
Titre Archives Delmotte
Type Disque
Particularités Grand nombre d’enregistrements, dont la majeure partie est perdue
Type Article
Titre "L'orgue monumental de la Maison de l'I.N.R. à Bruxelles"
Description 24 pages dans lesquelles les auteurs rappellent l'historique de cet orgue et sa description. Ils font également des commentaires personnelles et des appréciations sur l'état et le style de l'orgue. Ils joignent des pièces d'archives (plan de face, programme d'inauguration, composition des jeux, liste des récitals prévus après l'inauguration, etc.)
Auteur Bernard Carlier et Léon Kerremans
Références Revue trimestrielle "L'Organiste", années 24, n° 93, 1992/1
Editeur E. De Vos. Rue Romainville, 25. 4520 Bas-Oha. 085